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Justice et Paix Luxembourg  
6 mars 2019

Renforcer le combat contre la pauvreté et l’engagement en faveur de la durabilité !

Prise de position de Justice et Paix sur la politique gouvernementale pour la législature 2018-2023

La Commission Justice et Paix luxembourgeoise s’engage sur base d’une responsabilité chrétienne dans les domaines de la justice, de la paix, de la préservation de la création et du respect des droits humains. Une attention particulière est accordée à ceux qui sont menacés de marginalisation et aux défis d’une planification responsable de l’avenir pour les générations futures.

Une question centrale se pose à cet égard : la politique gouvernementale (selon l’accord de coalition) pour les cinq prochaines années - dans ce pays et au-delà de nos frontières - apportera-t-elle une contribution à un monde plus durable, plus juste et humainement plus digne ?

Malheureusement, malgré des plans concrets, à plusieurs passages dans l’accord de coalition il est souvent fait référence à des « études », « analyses », etc. qui doivent d’abord encore être élaborées dans les années à venir. Si de telles analyses et études prennent un délai excessif, la capacité d’agir dans des domaines importants et urgents se trouvera limitée. Dans certains domaines, il manque des objectifs concrets (par exemple concernant le taux de risque de pauvreté, la part de marché des fonds financiers durables à atteindre,...) et des informations (par exemple sur l’expansion du secteur maritime) qui rendent difficile l’évaluation des intentions politiques.

Augmentation inquiétante du risque de pauvreté malgré la croissance économique

Malgré le boom économique et les opportunités d’emploi, l’écart entre riches et pauvres se creuse au Luxembourg. Le taux de risque de pauvreté augmente depuis 2011 (selon un rapport du STATEC publié en octobre 2018) et se situe à 18,7% (près d’un sur cinq !) au-dessus de la moyenne européenne. Les familles avec enfants, en particulier les familles monoparentales, sont particulièrement touchées, tout comme les enfants, les jeunes et les étrangers, ou les personnes avec un niveau d’éducation moins élevé. Même s’il faut considérer que le salaire médian dans le pays est élevé, la situation des jeunes (18-24 ans) travaillant au Grand-Duché est particulièrement alarmante.

Il ne suffira pas, comme le stipule l’accord de coalition, d’augmenter le salaire minimum ou l’indemnité de vie chère et de faire référence à d’autres transferts sociaux, mais il sera nécessaire d’élaborer un concept politique global pour que les gens puissent travailler dans la dignité et vivre de leur salaire. Dans ce contexte, l’augmentation incontrôlée des coûts du logement est un défi supplémentaire, qui exige une concrétisation rapide de la coopération entre les ministères, comme cela est également envisagé. Après déduction des frais de logement, les locataires à faibles revenus disposent encore d’un « revenu résiduel » de 47% de leur budget initial, tendance à la baisse depuis 2012 (moins 16%).

Il reste également incompréhensible dans ce contexte qu’un nouveau mécanisme de reprise de l’adaptation périodique pour l’indexation des allocations familiales, suspendu depuis 2006, ne soit introduit qu’à la fin de la législature.

Une économie basée uniquement sur la croissance quantitative n’est pas viable

La question qualitative de la croissance n’est pas mise en avant dans l’accord de coalition, même si, de manière sensée, un accent est mis plus clairement sur la durabilité dans de nombreux domaines politiques et économiques. Mais c’est un fait : il faudrait 7 planètes pour avoir les ressources nécessaires si tout le monde vivait comme au Luxembourg. Ce chiffre continue à poser la question de l’impact concret de nos modes de production et de consommation actuels dans le pays. Les gains de productivité de la digitalisation que le gouvernement espère ou que le Rifkin Paper prévoit ne pourront pas apporter une solution d’avenir à cet égard.

Une « écologisation » des conditions économiques et de production actuelles ne suffira pas à elle seule à relever le défi d’une politique de durabilité à long terme. Garantir les chances des générations futures dans la vie exige une réforme beaucoup plus fondamentale de notre économie. Le défi majeur réside dans la recherche d’une économie préservant les ressources (naturelles) sans pour autant détériorer la qualité de vie et la situation de l’emploi.

Une lueur d’espoir pour la durabilité : introduction du contrôle de durabilité

Selon le programme de la coalition, l’introduction légale d’un outil d’évaluation au niveau du développement durable (Nachhaltigkeitscheck), qui aurait dû être introduit au cours de la législature précédente, devrait cette fois-ci devenir une réalité. C’était également l’une des revendications de Justice et Paix. Un tel outil doit être mis en place pour les grands projets et la législation y afférente afin d’effectuer une analyse coûts-avantages significative. Ce contrôle doit garantir que les projets et les plans sont analysés au regard de leur « viabilité écologique », des « besoins et de la qualité de vie » de la population locale ainsi que de leurs impacts sociaux, économiques et écologiques dans le cadre de la « globalisation ».

Cela devrait conduire à une analyse critique nécessaire en ce qui concerne la durabilité, y compris la question du respect des droits de l’homme. Dans le souci d’une transparence, ce contrôle de durabilité devrait également être publié (voir fiche financière en matière budgétaire).

Le développement du secteur maritime doit respecter des normes au niveau de la durabilité

Au cours des dernières décennies, le transport maritime mondial n’a cessé d’augmenter et environ 90% du commerce mondial s’effectue par voie maritime. Il est problématique que le transport maritime international ne soit pas spécifiquement mentionné dans la Convention COP 21. Toutefois, le transport maritime devrait réduire ses émissions de CO2 le plus rapidement possible et contribuer de manière appropriée à atteindre la neutralité en matière de gaz à effet de serre dans la seconde moitié du siècle. Les mesures adoptées jusqu’à présent pour améliorer l’efficacité énergétique et enregistrer les émissions de CO2 du transport maritime sont loin d’être suffisantes.

Si le Luxembourg veut aujourd’hui développer ce secteur économique, il est impératif que les normes de durabilité de base soient maintenues dès le départ. D’une part, une priorité (selon l’accord de coalition) sera accordée à la promotion du secteur maritime, mais d’autre part, le projet de « la navigation verte » (green shipping) est ramené au niveau des taxes d’immatriculation. Quels types de navires seront favorisés au niveau du registre maritime (pétroliers, navires à passagers, porte-conteneurs, etc.) ? Cela pose la question de la cohérence entre les différents domaines politiques.

Finance durable : le Luxembourg peut et doit être un pionnier

Dans le domaine de la finance, l’empreinte écologique et sociale du Luxembourg est énorme dans le monde entier. La « finance durable » n’a pas été la norme jusqu’à présent, mais seulement un élément de niche, puisque « 94% des fonds d’investissement luxembourgeois n’ont pas encore été affectés par les exigences de protection climatique, de durabilité et de transparence » (voir revendications Votum Klima 2018). Deuxième place mondiale pour les fonds d’investissement, le Luxembourg, en tant que place financière mondiale, doit assumer sa responsabilité au niveau de la durabilité et des droits de l’homme. L’inclusion de la question du respect des droits de l’homme est essentielle et ne doit pas être subordonnée à la recherche du profit. Lors de la présentation de la « sustainable finance roadmap » pour le Luxembourg en février 2019, il a été demandé, entre autres, que des objectifs plus ambitieux soient fixés pour augmenter sensiblement la part dans le domaine de la « finance durable ».

Introduire la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme pour les entreprises

Dans le Plan d’action national pour les entreprises et les droits de l’homme (juillet 2018), le gouvernement a clairement formulé son attente que les entreprises respectent les droits de l’homme tout au long de leur chaîne d’approvisionnement et de valeur. L’accord de coalition précise que le Luxembourg examinera tout d’abord si cette obligation de diligence raisonnable fera l’objet d’une légifération.

Toutefois, il est essentiel que la « diligence raisonnable » en matière des droits de l’homme soit ancrée dans une loi afin de se doter d’un système de gouvernance au niveau de l’ensemble de la chaîne de valeur et des activités de l’entreprise et pour détecter ainsi des violations réelles ou potentielles des droits humains ou des conséquences négatives sur l’environnement.

Introduire des indicateurs vérifiables

Au cours des négociations de la coalition, Justice et Paix a appelé les décideurs politiques à mettre un accent sur des indicateurs vérifiables pour relever les défis dans le domaine de la durabilité et du risque de pauvreté dans le contexte de l’élaboration des politiques en général et dans la mise en place d’un programme gouvernemental en particulier.

En l’absence de déclarations concrètes au niveau de l’accord de coalition, il sera nécessaire de faire respecter cette exigence par le biais du troisième Plan national du développement durable pour le Luxembourg. Malheureusement, ce plan important n’a pas reçu l’attention qu’il mérite à cause de la campagne préélectorale. Nous sommes d’avis que le Conseil supérieur pour un développement durable a besoin de ressources humaines et financières suffisantes pour pouvoir assurer une fonction de contrôle au niveau de ce processus.

Vers une économie et une société durables

Dans le domaine de la durabilité et du risque de pauvreté, une mise en œuvre concrète d’une justice sociale et écologique redistributive doit avoir lieu. À l’heure actuelle, les coûts de la pollution de l’environnement sont supportés en particulier par les pauvres du monde. La justice écologique redistributive consiste également à préserver les moyens de subsistance naturels des populations d’autres régions du monde et, au-delà, les possibilités (de vie) des générations futures. Ce n’est qu’ainsi qu’une transformation socio-écologique pourra réussir.

 
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