lb | fr | pt | en |
N’aie pas peur !
Homélie de Renée Schmit du 2 mai 2023
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc (Lc 1,26-38)
Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta.
Père Cardinal,
Chers ami(e)s dans le Seigneur,
Au début de cette prédication, permettez-moi de m’attarder un instant à une expérience personnelle. En 1985 au cours des vacances de Noël, un groupe de jeunes adultes est invité à partir pour un weekend spirituel à l’étranger. Au programme : trois jours de silence. À vrai dire, ce fut ma toute première retraite spirituelle.
Sur place, le groupe fut accompagné par un père jésuite. Ce que ce prêtre nous a réellement dit au cours de ces jours, je ne le sais plus aujourd’hui. Mais une chose m’a marqué : dans la solitude et la prière de grandes questions se sont manifestées, des questions existentielles et vocationnelles, liées à des peurs et à un changement : peur du Seigneur et de ses exigences, peur de devoir lâcher la beauté de ce monde pour entrer dans un monde sombre et gris ; peur de ne plus être moi-même et de manquer la porte d’entrée vers le grand bonheur de la vie humaine.
En même temps, je me souviens encore très bien de cette peur comme d’un sentiment physique qui prend possession des entrailles, un malaise qui ne m’a pas lâché durant des semaines et des mois. Mais petit à petit j’ai su comprendre que le Ressuscité est avant tout Lumière et Vie. Petit à petit il changea ma peur en confiance, mes hésitations en une saine prudence et mon désir intérieur en une joie de vivre qui depuis lors ne m’a plus quitté définitivement.
Chers ami(e)s,
Le récit de l’Évangile de saint Luc que nous venons d’écouter [1] parle d’une décision, voire d’un processus de discernement. Marie était une jeune fille juive entre 13 et 16 ans. Elle vivait à Nazareth dans un petit village au nord d’Israël [2]. Sa vie simple se déroula au foyer et autour de la maison. C’est là qu’elle reçoit la visite inattendue d’un ange. En d’autres termes, Marie fait une expérience personnelle avec son Seigneur, chose grande et d’inouïe. Selon le texte grec, l’ange salua Marie avec les paroles suivantes « Chaire Kecharitoméne ! » « Je te salue, comblée de grâce. » Cette salutation était bien plus qu’une salutation banale ou un simple « Shalom ».
La salutation de l’ange rappella l’Ancienne Alliance que le Seigneur après l’exil de Babylone a voulu conclure avec le « petit reste » du peuple d’Israël, une alliance dans laquelle tous seront inclus, du plus fort au plus petit et au plus pauvre, une alliance annoncée jadis par le prophète Sophonie : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi de tout ton cœur, bondis de joie, fille de Jérusalem ! […] Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! » [3]
Quand l’ange salua Marie, cette histoire résonna en elle. Rien d’étonnant à ce que cette jeune femme soit effrayée. Juive croyante, elle comprend qu’il y a ici quelque chose de plus grand et de saint qui l’interpelle. Sans aucun mérite de sa part, elle se voit subitement projetée au centre du dessein de salut. Et l’ange continue : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. »
Une maternité inattendue avant le mariage ? Une maternité qui ferait d’elle la mère de Jésus, le Fils de Dieu, le Messie attendu ? Quel défi, alors qu’elle avait toute sa vie devant elle et les deux pieds sur terre, bien engagée déjà avec son Joseph. Et voilà que le Seigneur lui demanda autre chose pour une perspective de vie nouvelle.
Même si Myriam se sent interpelée en profondeur, c’est là qu’elle prend peur et s’interroge à propos des conséquences de la visite de l’ange. Nous voilà arrivés au cœur du texte où le discernement aura toute sa place.
Chères sœurs et chers frères,
Dans son livre Un temps pour changer. Viens, parlons, osons rêver [4], le pape François énonce e.a. que la peur est déjà un signe de l’Esprit Saint. La peur qui a tant de visages. Et rarement les humains y voient quelque chose de positif, et sans doute pas un signe de l’Esprit Saint. Qui de nous n’en a pas l’expérience ? Peur devant un avenir incertain, peur d’un diagnostic attendu, peur d’une maladie incurable, peur devant les vicissitudes de la vieillesse, peur de la guerre qui se fait de plus en plus proche, peur du changement climatique avec ses conséquences (feu, inondation, tornades), peur de glisser dans la pauvreté ou de subir une faillite, et la peur ultime qui est celle de la mort, la peur de disparaître à jamais ?
Les psychologues nous disent qu’il est important de connaître nos peurs et de les nommer, car autrement elles nous désécuriseront et nous domineront. Depuis la pandémie, de plus en plus de jeunes souffrent de véritables troubles d’anxiété (20 % de plus selon le psychiatre Raphaël Bonelli). Cette thématique est de toute actualité [5]. Voilà pourquoi il est important d’inviter les jeunes à retrouver la confiance avec des points d’appui concrets.
L’ange dit à Marie : « Ne crains pas ! », et c’est à ce moment-là que la jeune femme demande d’être rassurée : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » Selon la loi juive, sa maternité aurait pu la mettre en danger de mort. Ce qui lui est demandé est tout à fait inouï.
Mais l’ange rassure Myriam : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu… Car rien n’est impossible pour Dieu. »
Marie sait qu’il y aura des bavardages et des commérages, des moqueries et des critiques à son égard. Et malgré tout, elle obéit au message de l’ange et laisse s’impliquer dans cette vie nouvelle en prononçant son « Oui » : « Que tout m’advienne selon ta Parole. »
Chers ami(e)s,
L’Annonciation est un texte-clé pour ceux qui veulent croire. La foi est un chemin. Martin Schleske, auteur spirituel contemporain, théologien et luthier, encourage ses lecteurs sur le chemin de la vie intérieure en encourageant : « Ne crains pas de laisser ton Dieu se rendre plus proche au plus intime de toi-même. Jamais il ne se passera autre chose que la réalisation de ce que tu es en vérité aux yeux de Dieu. » [6]
Marie en est le plus bel exemple. Le Seigneur l’a menée hors de son angoisse mortelle dans une vie libre et heureuse. C’est par son petit « Oui » que s’ouvra le grand portail de l’Incarnation.
« Sois sans crainte ! » Cette confirmation de la bouche de l’ange s’adresse aujourd’hui à toute l’Église et ainsi à tout un chacun de nous. Une Église qui se rend compte d’être reléguée dans un coin de la société ; une Église qui est en train de perdre ses certitudes ; une Église pour qui a du mal à prendre au sérieux son propre message et à croire à un Dieu qui fait des miracles ; une Église qui doit se renouveler dans la confiance absolue, une Église qui peut être fort dans la fragilité.
Marie fait totalement confiance à l’Amour. En surmontant sa propre peur elle devient la partenaire du Dieu invisible qui va s’incarner. Pour donner son « OUI », elle a besoin de la force d’en-haut, de l’Esprit Saint. C’est cet Esprit qui la conduira et la protègera. Désormais elle sait qu’elle dépend du Seigneur. Son attitude nous encourage sur nos chemins de vie spirituelle et la vie de nos communautés de foi en ces temps de transition et de transformation.
Alors, demandons tout simplement à la Mère de Dieu qu’elle nous aide, pour ne pas rester bloqués dans nos peurs, mais avancer courageusement à petits pas en donnant notre « Oui » à ce qui est et à tout ce que nous ne voyons pas encore. Amen.
(traduit du luxembourgeois)
[1] Lc 1,26-38.
[2] Michael Hesemann, Maria von Nazareth, Paulinusverlag, 2022.
[3] Sophonie 3,14-17.
[4] Pape François, Un temps pour changer. Viens, parlons, osons, rêver, Flammarion, 2020.
[5] Raphael Bonelli, Bauchgefühle, Edition a, 2022.
[6] Martin Schleske, Herztöne. Das kleine Buch, Adeo-Verlag, 2021.
L’Église doit prendre en charge les coûts de la retransmission du salut pontifical journalier ("Oktavandacht") durant l’Octave de Notre-Dame. Soutenez la retransmission par votre don.
Plus d’informations ici…