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Essais sur la vérité  
12 juillet 2013

IX Nouvelle Tour de Babel version finale

 Mathias Schiltz

Babel est le nom hébreu de Babylone. Parler de la Nouvelle Tour de Babel suppose, peut-être, qu’on s’entende sur l’ancienne, celle dont la Bible nous parle dans le Livre de la Genèse, au chapitre 11,1-9. Vous me permettrez d’en rappeler le récit :

Toute la Terre avait alors le même langage et les mêmes mots. Au cours de leurs déplacements du côté de l’orient, les hommes découvrirent une plaine en Mésopotamie, et ils s’y installèrent. Ils se dirent l’un à l’autre : "Allons ! Fabriquons des briques et mettons-les à cuire !" Les briques leur servaient de pierres, et le bitume, de mortier. Ils dirent : "Allons ! Bâtissons une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. Nous travaillerons à notre renommée, pour n’être pas dispersés sur toute la Terre."

Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et le Seigneur dit : "Ils sont un seul peuple, ils ont tous le même langage : s’ils commencent ainsi, rien ne les empêchera désormais de faire tout ce qu’ils décideront. Eh bien ! Descendons, embrouillons leur langage : qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres." De là, le Seigneur les dispersa sur toute l’étendue de la Terre. Ils cessèrent donc de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela Babel, car c’est là que le Seigneur embrouilla le langage des habitants de toute la Terre ; et c’est de là qu’il les dispersa sur toute l’étendue de la Terre.

Ce récit nous plonge sans doute dans la nuit des temps et peut, à ce titre, être qualifié de mythique. Comme beaucoup d’autres passages de la Genèse, il est également un récit étiologique c.à.d. une saga qui vise à expliquer les causes d’un certain état de fait, ici la multiplicité des langues. Mais la construction d’une telle tour a également laissé quelques traces dans l’Histoire. Hérodote (484-420 av. J. Chr.), que Cicéron a appelé le père de l’Histoire, en parle dans ses écrits. Et les archéologues nous ont fait découvrir en Irak des vestiges de tours analogues, les ziggourats. L’ironie de l’Histoire aura voulu que Saddam Hussein ait précisément utilisé la ruine de l’une de ces tours comme poste d’observation pour sa défense antiaérienne durant la première guerre du Golfe.

La construction de la Tour de Babel, une tour faite de briques cuites au four et non simplement séchées au soleil, une construction mettant à profit la découverte du bitume comme mortier, correspond à une formidable innovation technique dont l’homme tire un certain orgueil. Cette innovation permettra notamment la construction de la première métropole de l’histoire des hommes, une ville des superlatifs, une capitale, un centre de puissance mondiale. La tour est le faîte et le symbole de cette ville, inscrivant la grandeur de la ville et la toute-puissance de ses potentats de façon triomphale dans le firmament.

Toutefois, ce n’est pas en historien mais en tant que théologien que je voudrais essayer d’éclaircir la signification de la Tour de Babel. Car elle a avant tout une signification religieuse qui dépasse la connotation négative qu’on y associe communément, surtout dans un contexte comme le nôtre où nous ressentons la barrière des langues et des cultures, qui nous empêche de communiquer comme il faut, et le poids de nos différences, qui mettent toujours des entraves à notre recherche d’unité - ou faudrait-il dire : uniformité ? Dieu aurait-il mal vu l’orgueil des hommes et, pour les punir, les aurait-il dispersés ? Je pense que l’éclatement des langues dont il est question ici, a une signification théologique bien plus profonde.

Au sommet de la Tour de Babel se trouve, comme le rapporte Hérodote, la chambre prestigieusement parée, où habite Anou, le roi des dieux qui a fait alliance avec le roi de la ville en faisant siennes les prétentions expansionnistes de ce dernier. Les ziggourats sont donc une tentative des hommes pour communiquer avec Dieu et sur Dieu, pour le saisir, pour l’enfermer dans un langage unique et uniforme : celui de la puissance qui s’allie à la Puissance des grands de ce monde. Mais le Dieu de la Bible ne l’entend pas de cette façon. Il ne se laisse pas enfermer dans une prison, si belle soit-elle, d’un langage uniforme et monolithique. Il fait sauter le carcan et intervient pour arrêter le projet de construction gigantesque et pour confondre les langues. Tout ce que l’homme pourra désormais dire sur soi-même et les autres, sur Dieu et le monde, il le dira de mille manières, dans la multiplicité des langues, des formes, des interprétations, de façon multimédiale, multidimensionnelle, multiculturelle. N’y a-t-il pas lieu de parler ici de Richesse de nos diversités, comme le dit le titre de notre essai VIII ?

Et comment la Bible parle-t-elle de Dieu même ? De façon toujours différente, dans toutes les formes littéraires, à travers des histoires de guerres et des histoires d’espérance, à travers des textes pieux et des textes rudement profanes, par l’histoire des rois et l’histoire des gens de rien, par des chants de lamentation et des chants d’amour … – De façon toujours nouvelle, en se citant elle-même tout au long de plusieurs millénaires sur lesquels s’étend sa rédaction, en reprenant le déjà dit pour le dire à nouveau et le contredire, pour le resituer dans des situations toujours nouvelles … – La Bible parle hébreu et grec. Elle est hantée par le souci de transmettre les choses essentielles de façon multiple et partant diverse voire contradictoire, dans un éternel dialogue : deux récits de la création, un double des livres de la Genèse et des livres des Rois dans les Chroniques etc. Le multilinguisme, la polyphonie semble donc bien être le principe fondamental du discours biblique sur Dieu. C’est un signe de l’infinie profusion de vie et de la surabondante richesse intérieure de Dieu qui ne se laisse pas saisir dans un seul langage.

Et par le fait même, nos différences, la multiplicité de nos langues et de nos cultures acquièrent une dimension toute nouvelle. Nous ne sommes plus condamnés à les vivre sur le seul mode de l’accablement, des distances à franchir, des liens à nouer et à renouer laborieusement, mais elles deviennent à leur tour un reflet de l’insondable richesse de Dieu. Car Dieu, qui a créé l’homme à son image, ne travaille pas à la chaîne, il n’a pas de moule, il ne procède pas par clonage, mais par invention créatrice infiniment renouvelée. Chaque être humain est unique, il n’est pareil qu’à lui-même. Dieu se reflète dans l’infinie multiplicité des races, des peuples et des individus. Et tout homme, quelque différent et distant qu’il puisse être, est enfant de Dieu et il est mon frère.

Multilinguisme, polyphonie … N’y a-t-il pas cependant des éléments de symphonie, de concordance ? Il y a la Pentecôte, souvent présentée comme Anti-Babel [1] ? Certes, mais le don de l’Esprit ne gomme pas la multiplicité des langues, il opère l’union des cœurs dans la foi et non pas l’uniformité. Commentant l’événement de la Pentecôte dans la lettre aux Éphésiens (4,8), saint Paul ne se lasse pas de chanter la richesse et la multiplicité des dons de l’Esprit.

Et il y a, pour le croyant chrétien, la Parole ultime que Dieu a prononcée en son Fils, le Verbe fait chair [2]. C’est dans et par cette Parole ultime que le chrétien doit relire et critiquer toutes les paroles antérieures. Mais même de ce Fils, la Bible parle de façon multiple, par les quatre voix des quatre Evangiles. Cette multiplicité d’approches est, elle encore, un signe de l’insondable richesse du mystère de Dieu qui se révèle en Jésus-Christ. A présent, nous voyons dans un miroir, en énigme [3]. À présent ma connaissance est limitée, alors je connaîtrai comme je suis connu (1 Co 13,12).

Voici que s’ouvre le vaste champ de la théologie apophatique [4]. Le terme et la méthode tirent leur origine du Parménide de Platon et de ses commentaires néoplatoniciens. Philon d’Alexandrie, un philosophe juif hellénisé né vers 12 av. J. Chr., est à l’origine de toute une réflexion sur l’incompréhensibilité de l’essence divine : Le bien le plus grand est de comprendre que Dieu, selon son essence, est incompréhensible. Les premiers écrivains chrétiens (Justin, Clément d’Alexandrie, Irénée de Lyon, Origène) lui ont emboîté le pas en affirmant que la connaissance de l’essence divine est au-dessus des forces naturelles de l’homme. De même, les grands Cappadociens (Basile de Césarée et Grégoire de Nysse) diront qu’il n’y a pas de concept qui exprime proprement l’essence divine. En se référant à eux, Jean Chrysostome rassemble leurs arguments dans son Traité de l’incompréhensibilité de Dieu en concluant : L’essence de Dieu est incompréhensible pour toute créature.

Ainsi se constitue tout un vocabulaire de théologie apophatique qui s’inspire soit du Nouveau Testament, soit de la philosophie de Philon : invisible, indicible, inénarrable, insondable, inaccessible, ineffable. Grâce à Jean Chrysostome, ce vocabulaire trouve son entrée dans la liturgie byzantine en lui conférant une prodigieuse beauté – mystique.

Signalons encore, en marge du courant chrétien de la théologie apophatique, la position beaucoup plus radicale du philosophe Damascius (458-533) originaire de Damas qu’on appelle le dernier des néoplatoniciens. Dans son traité ,Sur les premiers principes’ il exprime parfaitement le paradoxe d’un premier principe du tout qui ne peut être hors du tout – car alors il ne serait pas principe –, et qui doit simultanément transcender tout –s’il est vraiment le premier principe. Ces apories conduisent à un apophatisme radical [5].

Mais qu’est-ce à dire pour celui qui croit au vrai Dieu et se réfère à une révélation dont il affirme qu’elle est vraie ? Tout d’abord qu’il reconnaisse avec saint Paul que sa connaissance de Dieu est fragmentaire et partielle et que, subjectivement, il ne possède pas toute la vérité [6] sur ce Dieu jusqu’aux arcanes de son essence, alors que la Bible même avoue son impuissance à cet effet : Mystérieuse connaissance qui me dépasse, si haute que je ne puis l’atteindre (Ps 138,6).

C’est dans cette humilité que le croyant peut, sans rien renier de sa foi, approcher, connaître, reconnaître, respecter d’autres convictions jusqu’à adorer l’étincelle divine qu’il découvre en elles. Car, comme l’a dit naguère le P. Adolfo Nicolás : Chacun porte une étincelle de Dieu qu’il faut trouver [7]. Il y a dans toutes les religions et sagesses des rayons de l’Esprit de Dieu qui souffle où il veut (Jn 3,7-8), qui remplit l’univers et, englobant toutes choses, sait se faire comprendre des hommes de toute langue [8].

Polyphonie ou symphonie ? Si, comme nous venons de le voir, la Bible elle-même, jusque dans le Nouveau Testament, s’oppose à une trop rapide et trop facile harmonisation de son discours sur Dieu, n’est-il cependant pas possible d’y discerner des lignes de convergence ? Car, lorsque le Dieu de la Bible intervient contre la Tour de Babel et son discours monolithique sur Dieu, il n’engendre pas seulement la confusion des langues et une certaine aphasie, il manifeste qu’il parle, lui, dans d’autres espaces, dans d’autres formes de communication que celle d’une tour symbolisant la toute-puissance. – Il parle avec Abraham qui part d’Ur en Chaldée, où se trouve précisément une ruine importante d’une de ces tours. Abraham quitte et laisse derrière lui la sécurité et les certitudes des tours pour se lancer - avec une femme stérile - dans un avenir complètement ouvert, sans autre garantie que la parole et la promesse de Dieu. – Dieu s’adresse à Moïse ; il révèle son nom –énigmatique – à celui qui renonce aux privilèges que lui valait le fait de passer pour l’enfant d’une fille du pharaon afin de se solidariser avec son peuple opprimé et le faire sortir de l’esclavage. – Dieu parle à travers Paul qui devient un fou à cause du Christ (1 Co 4,10 ; cf. 2 Co 1,18 svv. et 2 Co 11) . – Dieu parle à Marie, l’humble servante. Il renverse les puissants de leurs trônes (les tours !), et il élève les humbles (Lc 1, 52). – Et en dernière instance, Dieu parle par Jésus, son Fils, le Dieu-Messie dont la mort sur une croix est l’ultime et l’extrême défi à tout discours babylonique sur Dieu.

Ne trouvons-nous pas ici, cher ami Bernard, des valeurs sur lesquelles nous pouvons, entre hommes de bonne volonté [9] et au-delà de tous les clivages religieux, philosophiques et idéologiques, nous entendre et nous appuyer dans notre engagement commun pour la paix, la justice, la fraternité et l’égale dignité de tous les êtres humains, particulièrement des plus pauvres et des plus petits ?

 Bernard Baudelet

Bien cher Mathias, votre contribution sur la Tour de Babel est brillante, c’est celle d’un théologien à l’automne de sa vie qui continue d’étudier, méditer et transmettre sa foi en Dieu révélée par JC. Il était important de nous avoir rappelé le sens profond de la Tour de Babel dans la Bible. En effet, de trop nombreux occidentaux ignorent les enseignements de ce livre qui continue d’ensemencer leur culture. Cependant, votre interprétation qui me semble inédite, vous le concédez vous-même, trouble mes repères. En effet, le message que j’avais retenu était celui que vous appelez historique : cette tour mythique évoquée dans la Genèse devait être haute afin de permettre aux hommes qui voulaient la construire, d’atteindre le ciel, au point que Dieu interrompit leur projet qu’il jugea ambitieux et surtout trop orgueilleux. Alors, il brouilla leur langage afin de ne plus se comprendre et les dispersa sur la Terre afin de ne plus être une force d’influence.

Nos lectrices et nos lecteurs, certainement surpris comme moi, ont découvert le sens théologique que vous entendez dans ce récit mythique de la Tour de Babel. Vous avez révélé que Dieu ne peut pas être enfermé dans quelques définitions, en quelque lieu, en une seule langue, en une seule culture … Votre Dieu, vous le proclamez universel. Cependant, ce Dieu est complexe [10] et son essence est, selon les multiples témoignages de la théologie apophatique, inaccessible à la raison humaine. Vous ajoutez avec humilité que nul ne peut prétendre posséder subjectivement toute la vérité sur Dieu. Non seulement vous reconnaissez [11] la présence et l’action de semences et de rayons de vérité dans les autres religions, vous prenez acte avec Claude Geffré du mystère d’une pluralité de voies vers Dieu qui fait partie du mystère caché en Dieu tout au long des siècles [12]. Et vous vous demandez avec le même auteur si une meilleure connaissance et prise en considération des grandes traditions religieuses n’impliquerait pas une nouvelle réinterprétation des grandes vérités de la foi en fonction des rayons de vérités de la foi dont témoignent les autres traditions religieuses.

Toutefois, vous savez bien que de nombreuses spiritualités ne sont pas déistes au point de nier l’existence d’un Dieu créateur et de plus, proche de chacun de nous et présent en notre éternité. Ici notamment réside la Tour de Babel au sens historique, toujours vraie et même exacerbée en ce XXIè siècle. Je reconnais votre sincérité et votre courage dans votre démarche inclusiviste. Elle s’applique bien envers les spiritualités marquées par la présence de Dieu ou des dieux de leur foi. Cependant, il me parait difficile, bien cher ami Mathias, de pouvoir découvrir des éclats de la vérité de Dieu, en celles qui ne sont pas déistes. Cependant, ayant ressenti au fil de nos échanges, votre foi en l’universalité de la présence du Dieu révélé par JC, je comprends que vous incluiez toutes les spiritualités déistes ou non dans votre attitude ouverte. Et, j’ai même pu vous soupçonner de ne pas exclure ma spiritualité d’alter-croyant. Totalement inclusiviste ou partiellement, il demeure important de respecter ces spiritualités, de les entendre dans la richesse de leurs diversités et d’accueillir comme sœurs et frères en humanité, leurs authentiques adeptes. Je sais que vous et moi, sommes sur la même longueur d’onde envers toutes les spiritualités, sans exclure les non déistes, surtout présentes en Asie, le continent le plus peuplé de la planète Terre [13].

Non pas pour contrebalancer votre intervention, mais pour vous proposer ce qui anime ma vie depuis presque 50 ans, je voudrais vous parler de mon humanisme, celui de mon alter-croyance qui pourrait être une clef importante pour s’ouvrir aux autres, sans avoir à affronter leurs convictions spirituelles [14], néanmoins essentielles pour apporter de la transcendance à l’immanence parfois sans saveur, voire insupportable au quotidien. Il aurait peut-être été possible également de s’opposer si l’un de nous avait exprimé ses convictions politiques. En France, nous sommes accoutumés de ses joutes oratoires entre des extrêmistes de droite et de gauche, qui ne se réconcilient que pour taper sur les gens, jugés trop mous du centre de l’échiquier politique. Malheureusement, des affrontements sanglants, au-delà de l’horreur, conduisent aujourd’hui des hommes et des femmes à se comporter pires que des bêtes, je pense en particulier à la Syrie, devant une "communauté" internationale impuissante, voire trop souvent sordide afin de conserver les sources d’approvisionnement en énergie, nécessaires à son confort. Dans ma bibliothèque, je possède un livre aujourd’hui épuisé sur mon village, Champis en Ardèche, publié en 1991 par un historien local Serge Januel, sans éditeur désigné. Aux chapitres XXXI et suivant, l’auteur raconte en une trentaine de pages, la sauvagerie des guerres de religion qui ont opposé catholiques et protestants dans ce Vivarais, aujourd’hui une terre où les échanges sont paisibles, dans la fraternité en JC entre catholiques et protestants. Veulent-ils effacer l’inimaginable cruauté qui conjuguait des intérêts politiques et des volontés d’exterminer l’autre dans sa foi ? C’était dans la seconde moitié du XVIe siècle en France, c’était au XXe siècle au Rwanda, c’est encore ainsi en plusieurs endroits sur notre planète Terre.

Le thème de l’humanisme me tient à cœur. Je me sens très proche de celui exprimé brillamment par Julia Kristeva [15], une personnalité athée, disons alter-croyante, comme chacun peut le découvrir en étudiant ses écrits. Aussi, je vais emprunter le discours qu’elle a prononcé en la Basilique Sainte-Marie-des-Anges à Assise le 27 octobre 2011, lors des rencontres du même nom, sur invitation du pape d’alors Benoît XVI. En effet, je ne sens pas capable de mieux écrire sur l’humanisme qui m’anime. De plus, j’apprécie qu’elle aussi témoigne de propos jugés utopiques par les sceptiques, une position souvent destinée à justifier leur intention de ne vouloir rien changer, afin de conserver leurs privilèges au sein de leur pré carré. Le titre de son intervention est Quelles principes pour l’humanisme du XXIe siècle. Qu’est-ce que l’humanisme ? C’est dans la tradition européenne, grecque-juive-chrétienne que s’est produit cet événement qui ne cesse de promettre, de décevoir et de se refonder.

Les mots de Jean-Paul II, "N’ayez pas peur !", ne s’adressent pas seulement aux croyants qu’ils encourageaient à résister au totalitarisme. L’appel de ce Pape – apôtre des droits de l’homme, nous incite aussi à ne pas craindre la culture européenne, mais au contraire à oser l’humanisme : en bâtissant des complicités entre l’humanisme chrétien et celui qui, issu de la Renaissance et des Lumières, ambitionne d’élucider les voies risquées de la liberté. Merci aujourd’hui au Pape Benoît XVI d’avoir invité, pour la première fois en ces lieux, des humanistes parmi vous.

 L’humanisme du XXIe siècle n’est pas un théomorphisme. C’est dire que ni "valeur" ni "fin" supérieures, l’Homme Majuscule n’existe pas. Après la Shoah et le Goulag, l’humanisme a le devoir de rappeler aux hommes et aux femmes que si nous nous estimons les seuls législateurs, c’est uniquement par la mise en question continue de notre situation personnelle, historique et sociale que nous pouvons décider de la société et de l’histoire. Aujourd’hui, loin de démondialiser, une nouvelle réglementation internationale est nécessaire à inventer pour réguler et maîtriser la finance et l’économie mondialisée et créer à terme une gouvernance mondiale éthique universelle et solidaire.

 L’humanisme est un processus de refondation permanente, qui ne se développe que par des ruptures qui sont des innovations. La mémoire n’est pas du passé : la Bible, les Évangiles, le Coran, le Rigveda, le Tao nous habitent au présent. Pour que l’humanisme puisse se développer et refonder, le moment est venu de reprendre les codes moraux construits au cours de l’histoire : sans les affaiblir, pour les problématiser, en les rénovant au regard des nouvelles singularités.

 L’humanisme est un féminisme. La libération des désirs devait conduire à l’émancipation des femmes. Les combats pour une parité économique, juridique et politique nécessitent une nouvelle réflexion sur le choix et la responsabilité de la maternité. La sécularisation est encore la seule civilisation qui manque de discours sur le maternel. Ce lien passionnel entre la mère et l’enfant, par lequel la biologie devient sens, altérité et parole, est une reliance qui, différente de la fonction paternelle et de la religiosité, les complète et participe à part entière de l’éthique humaniste.

 Parce qu’il éveille les désirs de liberté des hommes et des femmes, l’humanisme nous apprend à les soigner. Le souci (cura) amoureux d’autrui, le soin de la terre, des jeunes, des malades, des handicapés, des vieillissants dépendants sont des expériences intérieures qui créent des proximités nouvelles et des solidarités inouïes. Nous n’avons pas d’autre moyen d’accompagner la révolution anthropologique qu’annoncent déjà la course en avant des sciences, le laisser-aller de la technique et de la finance, et l’impuissance du modèle démocratique pyramidal à canaliser les innovations.

 L’homme ne fait pas l’histoire, mais l’histoire c’est nous. Pour la première fois, Homo Sapiens est capable de détruire la Terre et soi-même au nom de ses croyances, religions ou idéologies. Pour la première fois aussi les hommes et les femmes sont capables de réévaluer en toute transparence la religiosité constitutive de l’être humain. La rencontre de nos diversités ici, à Assise, témoigne que l’hypothèse de la destruction n’est pas la seule possible. Personne ne sait quels humains succèderont à nous qui sommes engagés dans cette transvaluation anthropologique et cosmique sans précédent. Ni dogme providentiel, ni jeu de l’esprit, la refondation de l’humanisme est un pari.

Mesdames et Messieurs, l’ère du soupçon ne suffit plus. Face aux crises et menaces aggravées, voici venu l’ère du pari. Osons parier sur le renouvellement continu des capacités des hommes et des femmes à croire et à savoir ensemble. Pour que, dans le multivers bordé de vide, l’humanité puisse poursuivre longtemps son destin créatif [16].

Afin d’enfoncer le clou en l’importance de l’espérance humaniste qui stimule et ne permet pas de se complaire dans une léthargie confortable, je voudrais terminer par un extrait du dernier livre de Stéphane Hessel [17]. Mon optimisme ne dit qu’une chose : notre humanité a surmonté, ces derniers siècles, beaucoup de situations graves. Toute notre histoire est remplie de combats, de guerres et de destructions. En tant qu’individus, nous avons très mal fait nos preuves. Malgré cela, nous avons avancé et surmonté beaucoup d’embûches. Aujourd’hui, nous nous trouvons face à une situation particulièrement difficile. Nous ne pouvons plus continuer à mener les affaires du monde comme nous l’avons fait jusqu’ici. Nous serons trop nombreux pour pouvoir nous nourrir correctement. Nous sommes face à un grand nombre de dangers. Je ne suis pas assez optimiste pour dire que ces menaces sont faciles à vaincre. Mais je suis assez optimiste pour dire que c’est justement parce que ces menaces sont très difficiles à surmonter qu’elles nécessitent la participation de tous, toutes les générations confondues. Et mon optimisme me dit qu’il n’y a en nous un potentiel, que toutes les possibilités que nous avons n’ont pas encore été épuisées. Ce n’est que si nous utilisons ces possibilités que nous pourrons peut-être surmonter les dangers qui lancent un défi à l’humanité sur la voie de la société mondiale. “Là où est le danger croît aussi ce qui sauve", a écrit Friedrich Hölderlin dans un poème. L’homme n’a pas seulement un cerveau, il a aussi un cœur et c’est lui qui doit être renforcé. Faites preuve de responsabilité en vous engageant. Changer ce monde !

Nous noterons que dans les références citées sur l’humanisme, les spiritualités extrême-orientales sont largement oubliées, voire ignorées comme le sont leurs modes de penser et d’agir. J’invite ceux et celles qui voudraient mesurer l’amplitude de ce manque de se confronter aux documents proposés à la lecture, souvent ardue, au cours de nombreux essais de cette série sur La vérité. L’Occident est encore trop sourd, aveugle et muet sur les voies de plus de la moitié de l’humanité.

Je me réjouis, cher ami Mathias, que nos chemins parallèles d’hommes de bonne volonté ou, ce qui revient au même comme j’aime à le dire "de bonne foi", permettent de s’entendre au-delà de tous les clivages [18] religieux, spirituels, philosophiques et idéologiques qui nous séparent ou pourraient nous séparer. En effet comme vous et moi l’espérons, l’important est de s’engager pour la paix, la justice, la fraternité et l’égale dignité de tous les êtres humains.

Nous avons la chance de pouvoir ne pas demeurer passif grâce à la capacité de tout humain d’affronter l’impossible complexité des situations en innovant, à condition toutefois de s’innover dans le même temps. En effet sans cette transformation intérieure en profondeur, nul ne peut prétendre être innovateur. On ne joue pas une œuvre de Mozart en ignorant la musique, en étouffant sa musique intérieure. L’innovation est la clef pour progresser, que ce soit seul ou beaucoup mieux en s’appuyant sur la richesse des diversités de l’humanité, les proches et les lointaines. Avec les plus éloignées, nous ouvrons encore plus nos bandes passantes afin de mieux recevoir et émettre, comme je l’exprimais dans l’essai précédent. C’est mon pessimiste éclairé par cette espérance qui me permet de continuer à agir et à interagir pour un monde meilleur, tout en demeurant humble dans mon attitude et modeste dans mes ambitions.

 Mathias Schiltz

Je partage évidemment cette espérance, encore qu’elle soit pour moi éclairée d’un rayon de soleil venu d’ailleurs et par le fait même peut-être moins pessimiste. Mais fondamentalement elle est pour nous deux ancrée dans les valeurs de l’humanisme sur lesquelles nous pouvons et devons, entre hommes de bonne volonté [19] et au-delà de tous les clivages religieux, philosophiques et idéologiques, nous entendre et nous appuyer dans notre engagement commun pour la paix, la justice, la fraternité et l’égale dignité de tous les êtres humains, particulièrement des plus pauvres et des plus petits.

[1Cf. Claude Geffré, De Babel à la Pentecôte. Essai de théologie interreligieuse. Paris 2006.

[2Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées ; mais dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes (He 1,1-2).

[3Rappelons que dans l’Antiquité les miroirs n’étaient pas lisses comme de nos jours. Ils étaient plutôt opaques, quelquefois déformants, et ne reflétaient la réalité que de façon imparfaite et confuse. Dans ce sens, le terme énigme, correspondant au texte grec et à la traduction latine de la Vulgate, est très parlant.

[4Voir à ce sujet l’article NÉGATIVE (Théologie) d’Ysabel de Andia, in : Dictionnaire critique de théologie, publié sous la direction de Jean-Yves Lacoste, Paris 1998, pp. 191-195.

[5Ysabel de Andia, o.c. 192. – Le paradoxe formulé par Damascius devrait, si je ne me trompe, faire la joie de tout adepte ou sympathisant du taoïsme. Mais Damascius et ses disciples furent interdits d’enseignement par l’empereur Justinien et se sont exilés temporairement en Perse. Les œuvres de Damascius ont continué néanmoins d’exercer une influence non négligeable en milieu chrétien à travers le Pseudo-Denys, mais elles furent définitivement condamnées par le patriarche Photius Ier de Constantinople au IXe siècle.

[6Joseph Ratzinger a écrit jadis que l’identification totale avec l’Église réellement existante serait proche de l’hérésie. La prétention subjective de posséder toute la vérité sur Dieu ne serait-elle pas, au regard de la théologie apophatique, hérétique au même titre ?

[7Adolfo Nicolás sj, Supérieur général de la Compagnie de Jésus, cité par Bernard Baudelet dans l’essai VIII. Je pourrais y ajouter la dernière strophe du poème de Jonathan Willcocks, Lux Perpetua, Peace and Unity, que j’ai cité en épilogue du même essai : Each sees one colour of thy rainbow-light ; / Each looks upon one tint and calls it heaven ; / Thou art the fullness of our partial sight ; / We are not perfect till we find the seven.

[8Antienne d’ouverture de la messe de la Pentecôte. Cf. Sg 1,7.

[9A tous les hommes de bonne volonté incombe aujourd’hui une tâche immense, celle de rétablir les rapports de la vie en société sur les bases de la vérité, de la justice, de la charité et de la liberté : rapports des particuliers entre eux, rapports entre les citoyens et l’Etat, rapports des États entre eux, rapports enfin entre individu et familles, corps intermédiaires et États d’une part et communauté mondiale d’autre part (Pape Jean XXIII, Encyclique Pacem in terris (1963), n° 163.

[10Dans cette série d’essais, la complexité a été explicitée afin de permettre de mesurer le fossé d’incompréhension, impossible à combler par l’intelligence humaine, ce qui devrait inciter les femmes et les hommes de tous les temps de demeurer humbles. Message qui ne semble pas avoir beaucoup été entendu. En effet, les hommes dominateurs face aux femmes qu’ils renoncent trop facilement à découvrir au moins un peu, les politiques, les scientifiques, les philosophes dont nous avons peu parlé, les entrepreneurs … occidentaux, prétendant avec hégémonie que leur manière de voir, de penser et d’agir est universelle, face notamment au monde extrême-oriental. Sans oublier les instances internationales qui prétendent apporter la solution aux pays en crise, la Grèce, l’Espagne, le Portugal et d’autres, en s’appuyant sur des théories économiques inadaptées à la situation actuelle.

[11Je renvoie à vos propos dans l’essai IV. Vérités de la foi à l’aune de la diversité et de la complexité.

[12Claude Geffré, o.c., p. 48. – Voir à ce sujet Gaudium et Spes, n° 22 : Nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal.

[13Il y aurait dans le monde 6 703 langues parlées, selon un palmarès établi en 2008. Quant au nombre d’êtres humains vivant sur notre Terre, il est estimé à 7 milliards en 2011 selon les Nations unies, 6,1 milliards en 2000, entre 1,55 et 1,76 milliard en 1900 et de 600 à 679 millions d’habitants vers 1700, au début du siècle des Lumières. En 2013, 60% de la population vit en Asie, 15,5% en Afrique, 10,4% en Europe, 8,6% en Amérique latine, 5,0% en Amérique du Nord et 0,5% en Océanie. Lien :www.populationdata.net/palmareslangues.php‎. Malgré les moyens de communication et la rapidité des transports par avion, nul ne pourra communiquer et échanger avec toutes les civilisations. Encore faudra-t-il qu’il puisse parler toutes les langues, disposer d’une ouverture d’esprit immense pour entendre et comprendre les autres non superficiellement et avoir un temps fabuleux et des moyens financiers énormes pour réaliser un tel projet.

[14En effet, la spiritualité m’apparaît souvent comme un bastion derrière lequel chacun se protège contre celles des autres, se conforte dans sa communauté de bien-pensants, se rassure en espérant être dans la vérité, la vérité universelle. Que sa spiritualité ait été révélée par Dieu lui ou ait été vécue par un maître dans l’illumination.
Ma petite idée sur l’origine de cette forteresse serait à rechercher dans la peur de la mort et des affres de la souffrance qui la précèdent. Horreur inconcevable à accepter pour tous ceux qui sont heureux d’aimer et d’être aimé(e), de jouir de biens matériels, d’être connus et reconnus, d’être comme le corbeau de la fable repu par son fromage. Mais le renard veille et montre que ça peut facilement s’effondrer. Souviens-toi que tu es mortel, rappelait le fou derrière le char de l’empereur César. Cette horreur est adoucie par tous ceux qui croient en un au-delà de la mort au point de s’accrocher à leur foi et de vouloir avec générosité convaincre les autres de partager leurs croyances.
Sans être un héros, mon alter-croyance sans éternité comme espérance et sans recherche de fromages abondants est une épreuve. En effet, je crois que ma mort fera de moi un tas de poussière et rien de plus. Cependant dans l’essai VI Chemin spirituel d’un alter-croyant, j’espère avoir montré que ma vie mérite d’être vécue dans l’émerveillement des choses simples que j’accueille, de l’amitié et de l’amour que je partage et de mon éternité qui s’exprimera dans les quelques graines que j’ai semées et que d’autres feront croître et donner de beaux fruits.

[15Julia Kristeva est écrivain, psychanalyste, professeur émérite à l’université Paris-VII Diderot et membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris, docteur honoris causa de nombreuses universités aux États-Unis, au Canada et en Europe où elle enseigne régulièrement. Officier de la Légion d’Honneur, officier de l’Ordre du Mérite national, première lauréate en décembre 2004 du prix Holberg (créé par le gouvernement de Norvège pour remédier à l’absence des sciences humaines dans le palmarès du Nobel), elle a obtenu le prix Hannah Arendt en décembre 2006 et le prix Vaclav Havel en 2008. Elle est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, dont la plupart sont disponibles dans les principales langues du monde.

[16Afin de permettre à nos lectrices et à nos lecteurs, de mieux approfondir l’humanisme de Julia Kristeva, je leur recommande de prendre connaissance de la version longue de cette même conférence avec pour titre Dix principes pour l’humanisme du XXIe siècle, conférence prononcée à l’Université de Rome III, le 26 octobre 2011, avec une délégation d’humanistes et la participation du Cardinal Ravasi (lien : www.kristeva.fr/assise2011.html). Je leur suggère également de lire son discours Oser l’humanisme, prononcé à l’occasion du "Parvis des Gentils", lors de deux jours d’échanges et de dialogues entre croyants et non-croyants, les 24 et 25 mars 2011 à la Sorbonne, à l’initiative du pape de l’époque Benoît XVI. Lien : www.kristeva.fr/le-parvis-des-gentils.html‎.
Des chrétiens se sont également largement impliqués sur le thème de l’humanisme dans le cadre des Rencontres internationales de Genève en 1949 (tome IV) Pour un nouvel humanisme. Lien : www.rencontres-int-geneve.ch/volumes_pdf/rig04.pdf{. Trois interventions expriment que l’humanisme ne peut être que divin et avoir sa source dans la Révélation. Dans cet esprit, je recommande les interventions du théologien protestant Karl Bath L’actualité du message chrétien (pages 40-52), du P. Maydieu L’actualité du message chrétien (pages 53-75) et du philosophe chrétien Karl Jaspers Conditions et possibilités d’un nouvel humanisme (pages 211-246). Cet humanisme divin est marqué par l’influence chrétienne encore très forte à cette époque et également par le désir de ne plus revivre le drame de la seconde guerre mondiale au sein de la civilisation chrétienne, dans sa grande majorité.
Pour demeurer dans des interventions de chrétiens, je citerai deux publications très récentes. L’une est celle du P. Antoine Guggenheim Pour un nouvel humanisme, en s’appuyant sur des écrits des deux papes Jean-Paul II et Benoît XVI, une tentative pour une rencontre nouvelle entre croyants et humanistes. Lien : http://www.terrafemina.com/culture/livres/videos/1579-antoine-guggenheim--un-nouvel-humanisme-pour-le-21eme-siecle-.html. L’autre est Discours du pape François aux ambassadeurs, le jeudi 16 mai 2013, dans lequel il aborde avec vigueur le drame du capitalisme libéral qui rend les riches encore plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. Un très beau discours auquel je souscris totalement dans ses dimensions politique, économique et éthique, sans porter des appréciations sur les parties relatives à sa foi en Dieu. Lien : http://seletlumieretv.org/blogue/pape-francois-2/message-du-pape-francois-aux-ambassadeurs.
Pour terminer en revenant à des interventions hors de toute référence chrétienne comme le furent les interventions de Julia Kristeva, j’attire l’attention sur trois documents. L’un concerne le discours prononcé le 7 septembre 2010 par Irina Bokova, Directrice générale de l’Unesco, intitulé Un nouvel Humanisme pour le XXIe siècle. Lien : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001897./189775f.pdf. J’adhère sans réserve aux réflexions de ce discours et j’en mesure l’importance considérable car ce nouvel humanisme prôné par la Directrice de l’Unesco, c’est l’enjeu politique du siècle à venir, et la condition d’édification de la paix. Les deux autres sont des livres passionnants. Dans le premier, il est montré que la reconstruction d’une société fondée sur les principes de singularité, de réciprocité et de communalité est la condition d’une solidarité plus active, autrement dit d’une société plus humaine. Le titre de ce livre est La société des égaux (et non pas des égos), il a été publié par Pierre Rosanvallon aux Éditions du Seuil en 2011. Le second publié en mars 2013 aux Éditions Odile Jacob par Michel Aglietta et Thomas Brand, son titre est Un new deal pour l’€urope. Une citation de Jean Monnet, en page 292, résume l’essentiel de l’esprit de ce livre Nous ne coalisons par les États, nous rassemblons les hommes. Rappelons aux jeunes générations que Jean Monnet (1888-1979) est un des principaux fondateurs de l’Union européenne. Promoteur de l’atlantisme, du libre-échange et d’une disparition des États-nations au profit d’une Europe fédérale sur le modèle des États-Unis d’Amérique, ses admirateurs le désignent comme un des Pères de l’Europe. Cette Europe fédérale, un objectif non encore atteint, pourrait bien être la pierre angulaire qui manque à l’euro aujourd’hui, pour sortir de la crise dans laquelle elle s’enlise dans des affrontements d’intérêts incompatibles entre d’une part l’Allemagne et les États du Nord de l’Europe et d’autre part ceux du Sud dans lesquels est jointe la France.
Afin de ne pas citer uniquement des écrits de personnalités, je recommande la lecture d’un livre publié en 2013 par Pierre Lunel aux Éditions du Rocher Père Pedro Prophète des bidonvilles. Citons un extrait de la quatrième page de couverture S’il est urgent de réinventer notre planète, cela n’ira pas sans mettre en avant la solidarité et l’amour, et à l’exemple du Père Pedro, sans donner aux plus pauvres l’envie de croire en eux-mêmes. Depuis plus de vingt-cinq ans, Père Pedro se bat pour que des hommes et des femmes retrouvent leur dignité en travaillant, en construisant leur maison, en se reconstruisant. Les villages d’Akamasoa à Madagascar témoignent de ce qui se vit. Ils sont aussi la preuve que notre monde peut changer. Lien pour effectuer un don : http://www.perepedro.com/fr/index.php.

[17Extraits du dernier livre de Stéphane Hessel, publié en allemand en 2012 et en français en 2013, l’année de sa mort à l’âge de 96 ans, aux Éditions Autrement sous le titre A nous de jouer Appel aux indignés de cette Terre, en collaboration avec Roland Merk, écrivain et journaliste (page 157 et quatrième page de couverture).

[18J’ai tenté à plusieurs reprises Dans cette série d’essais sur La vérité de montrer que l’engrammage culturel au sens général, dans lequel chacun baigne depuis sa naissance et certains prétendent qu’il a pu commencer à se manifester dans le liquide amniotique, nous rend presque irresponsables de nos esprits bornés, disons limités.

[19Pape Jean XXIII, Encyclique Pacem in terris (1963), n° 163, voir note 9.

 
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