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Il en va de l’Église de l’avenir et de l’avenir de l’Église
10 questions sur le Synode sur la synodalité posées au Vicaire général Patrick Muller
Le Synode sur l’avenir de l’Église débute aujourd’hui, 4 octobre, à Rome. Pour marquer l’ouverture de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, qui se tient au Vatican jusqu’au 29 octobre, nous avons posé 10 questions au Vicaire général du Luxembourg, Patrick Muller, afin qu’il nous aide à mieux comprendre le Synode et ses enjeux.
1. En tant que vicaire général, quel a été ou est votre rôle dans l’accompagnement du Synode au Luxembourg ?
Pendant la phase diocésaine d’octobre 2021 à juillet 2022, j’ai essayé de mettre en œuvre certaines impulsions données par notre Archevêque, le Cardinal Jean-Claude Hollerich, afin de rendre notre Église locale plus synodale. En ce qui concerne la Pastorale diocésaine, l’Archevêque souhaitait reconstituer le plus vite possible le Conseil Pastoral Diocésain (CPD), l’ancien ayant arrêté ses travaux en fin de mandat depuis quelques années. Dans un contexte sociétal et ecclésial en mouvement permanente, ceci me semble une três bonne initiative.
En avril 2022 a alors eu lieu la réunion constituante du nouveau CPD, dont font partie entre autres des représentants envoyés par chacun des doyennés et des communautés linguistiques de notre archidiocèse. Les principales missions du CPD sont :
1) de mener une réflexion au sein de l’Église sur les défis pastoraux actuels et à venir,
2) de conseiller l’Archevêque dans ses choix pastoraux et
3) de donner des avis sur des projets pastoraux de la pastorale territoriale et catégorielle.
2. La première des deux sessions du Synode sur la synodalité annoncées par le Pape François a lieu en octobre 2023, la deuxième en octobre 2024. Que se passera-t-il et que pouvons-nous attendre de cette première étape ?
Le samedi 30 septembre dernier le Pape s’est réuni sur la place Saint-Pierre à Rome avec douze des plus hauts responsables des différentes confessions chrétiennes (catholiques, orthodoxes, protestants, anglicans) dans une prière œcuménique préparée essentiellement par les frères de Taizé. Tous les participants du Synode ont entamé ensuite trois jours de retraite, des exercices spirituels, hors la ville de Rome, pour commencer alors le mercredi 4 octobre, en la fête de Saint François d’Assise, la phase de travail avec un messe solennelle sur la Place Saint-Pierre de Rome, phase de travail qui durera jusqu’au 29 octobre. Elle sera clôturée par une messe présidée par le Pape François dans la Basilique Saint-Pierre. Il y aura quatre cycles dont les thèmes sont respectivement la synodalité, la communion, la coresponsabilité de la mission et la gouvernance. Ce ne sera cependant qu’en octobre 2024 que nous pouvons nous attendre à des votes des synodaux sur des thèmes concrets à présenter au Pape François. Le Cardinal Hollerich a mis en garde dans une interview récente contre des attentes irréalistes à l’égard du Synode.
3. À quoi sert un Synode ?
Le Synode a pour but d’informer et de conseiller le Pape. Il rassemble des évêques du monde entier, qui, ensemble avec des non-évêques, comme nous allons le détailler plus loin dans l’interview, peuvent élaborer et voter des propositions concrètes qu’ils soumettent à la décision finale du Pape. Ceci est prévu dans le cas de notre Synode sur la synodalité, comme déjà mentionné, pour octobre 2024, où les synodaux vont se réunir encore une fois.
4. Le titre « Synode sur la synodalité » semble assez éloigné des préoccupations quotidiennes des gens. Pourriez-vous préciser en termes plus accessibles de quoi traite ce Synode ?
Il traite, pour le dire en un mot, de la nature de l’Église. « Syn-hodos » en grec signifie « ensemble en chemin ». Certains Pères de l’Église, comme p.ex. Saint Jean Chrysostome, vont même jusqu’à dire que l’Église est synonyme de « faire chemin ensemble ». Le Pape François veut que nous nous réapproprions la nature synodale de l’Église et du peuple de Dieu en marche. Le Saint-Père s’inscrit ainsi dans le mouvement du Concile Vatican II. Comme baptisés, tous les membres de l’Église sont des sujets actifs de l’évangélisation. La mise en œuvre d’une Église synodale est la condition préalable et indispensable pour un nouvel élan missionnaire qui engage la totalité du Peuple de Dieu. On comprend alors mieux pourquoi le Pape François a commencé par consulter tout le peuple de Dieu réparti dans les diocèses du monde entier lors de la phase diocésaine de 2021 à 2022. Celle-ci a été suivie de la phase continentale de 2022 à 2023 pour préparer sur cette base très large le « Synode sur la synodalité » qui a lieu à Rome en octobre actuellement et qui se terminera en octobre à Rome l’année suivante. Il en va finalement de l’Église de l’avenir et de l’avenir de l’Église, et celui-ci, le Pape ne veut pas le faire sans y faire participer tous les catholiques et même au-delà, des chrétiens d’autres confessions.
5. À Luxembourg, quel est votre sentiment sur l’intérêt que suscite le Synode auprès des fidèles ?
Ces dernières semaines, me semble-t-il, le Synode suscite actuellement de nouveau un peu plus d’intérêt. Il est vrai que tous les médias ne rapportent pas sur le Synode, mais quelques articles dans la presse ou sur des sites internet, surtout des interviews avec notre cardinal, ont paru récemment. Du côté de l’Archevêché, nous avons mis à disposition des paroisses et des agents pastoraux des intentions de prière à utiliser pendant les offices liturgiques des dimanches précédant l’ouverture du Synode à Rome. Le Synode, il faut être réaliste, n’est cependant sans doute pas le premier souci ou centre d’intérêt des fidèles au Luxembourg, vu l’inflation des évènements et des défis quotidiens qui se présentent à nous tant au plan personnel que sociétal et ecclésial.
6. Le fait que notre archevêque soit rapporteur du Synode, pensez-vous que cela influence la perception du Synode par l’Église de Luxembourg ? Et d’ailleurs, quel est ce rôle, celui de rapporteur du Synode ?
Je pense effectivement que le fait que notre Archevêque soit le rapporteur général du Synode favorise la perception du Synode au Luxembourg, tant par l’Église locale que par certains médias, même si cette perception reste certainement assez modeste.
Le rôle du rapporteur général est essentiel dans l’organisation du Synode : il doit notamment présenter un rapport, appelé « Instrumentum Laboris », c.-à-d. « instrument de travail », lors de l’ouverture de l’assemblée, et présider à la préparation du Document final, qu’il présentera en Congrégation générale au terme des débats. L’Instrumentum laboris-, publié en juin dernier, sert de base au travail des participants au Synode maintenant en octobre 2023 à Rome et qui se poursuivra jusqu’en 2024. Point de départ et certainement pas point d’arrivée, ce document est censé en quelque sorte refléter l’expérience des diocèses du monde entier rassemblée au cours des deux premières années du processus synodal universel.
Durant le déroulement des réunions, le rapporteur général est aussi amené à intervenir pour éclaircir certains points si le besoin s’en fait ressentir. Concrètement maintenant en octobre, le Cardinal Hollerich fera une introduction à chacun des quatre cycles mentionnés ci-dessus.
Il est intéressant de savoir que le cardinal Bergoglio, futur Pape François, avait lui-même assumé cette charge de rapporteur général auprès de Jean-Paul II lors du Synode de 2001, sur le thème « L’Évêque serviteur de l’Évangile de Jésus-Christ pour l’espérance du monde ». Il avait remplacé le cardinal Egan, l’archevêque de New York, retenu dans son diocèse par les conséquences dramatiques des attentats du 11 septembre 2001.
7. Comment évaluez-vous la participation des fidèles de l’Église à Luxembourg à la première phase du Synode, c.-à-d. la phase au cours de laquelle le peuple de Dieu a été appelé à apporter sa contribution au processus synodal ?
4590 personnes ont apporté leur contribution soit par des apports individuels, soit en participant à une démarche synodale en groupe. C’était un franc succès à mes yeux et le mérite de celui-ci revient surtout à l’équipe synodale diocésaine mise en place par notre Archevêque pour accompagner la phase diocésaine. Elle a déployé d’énormes efforts pour inclure un maximum d’institutions, de groupes et de personnes individuelles tant au niveau de l’Église qu’au niveau de la société civile. La Contribution de l’Archidiocèse de Luxembourg à la consultation synodale universelle se trouve sur le site internet de l’archidiocèse.
8. L’inclusion notable de fidèles laïcs, en particulier de femmes, ainsi que la participation de membres non-évêques, sont deux aspects qui modifient la composition du Synode des évêques qui commence maintenant en octobre 2023 à Rome. Comment cette évolution influence-t-elle la nature du synode et quelles conséquences en prévoyez-vous ?
Le Synode des évêques est un fruit du Concile Vatican II. Il se veut une institution permanente établie par le Pape Paul VI en septembre 1965 en réponse au désir exprimé par les Pères du Concile de maintenir vivant l’esprit de collégialité engendré par l’expérience conciliaire. Ce qui est nouveau, c’est que le Pape François inclut non seulement des « Pères synodaux », mais aussi des « Mères synodales » et des hommes qui ne sont pas évêques. En effet, parmi les 364 membres avec droit de vote se retrouvent pour la première fois 54 femmes pour réfléchir sur la synodalité. J’aime appeler cette ouverture aux femmes et aux non-évêques, en tout environ 100 catholiques, une petite révolution que le Pape François a réalisée à l’occasion de ce « Synode des évêques ». La présence des laïcs exigera une autre culture de discussion qu’une culture purement ecclésiastique.
En plus de ceux-ci, plus de 80 observateurs et experts participent au Synode sans droit de vote. Pour la plupart, ce ne sont pas des clercs. On sent bien que le Pape a vraiment voulu intégrer les apports non seulement des évêques du monde entier, mais aussi ceux des fidèles laïcs et en particulier des femmes. La liste complète des participants peut être consultée sur le site du Synode.
9. Cette large participation des laïcs dès le début du Synode en octobre 2021 a entraîné l’inclusion dans l’Instrumentum laboris synodal de nombreux sujets qui ont été débattus depuis longtemps. Quelle sera l’influence des sujets, tels que l’appel à des réformes pour accroître la participation des laïcs et des femmes dans la vie de l’Église, ainsi que la réflexion sur des questions de théologie morale, au sein du Synode ?
Une principale nouveauté à cette institution consultative du Synode des évêques, créée par Paul VI en 1965, est en effet que des laïcs et des femmes prendront part aux travaux et pourront voter. Il s’agit-là d’une première dans l’histoire de l’Église et, je le répète volontiers, d’une « petite révolution » lancée par notre Pape François. Il n’y a pas longtemps, on osait à peine prononcer le mot « homosexuel » en Église. Là, on a sur la table des questions qui concernent l’homosexualité et les autres personnes LGBTIQ+. Et même si on n’arrive pas à un accord et s’il n’y a pas de réponse concrète, des questions autrefois considérées comme bloquées d’avance sont aujourd’hui portées à l’attention de l’Église. C’est déjà un pas énorme.
Il y a des questions pour lesquelles le grand nombre est d’accord qu’il faut absolument en discuter durant ce Synode. La place des femmes dans l’Église, par exemple, doit aujourd’hui être repensée. Mais comment ? Les avis varient fortement selon les pays et les continents, car les contextes sociaux-culturels sont parfois très contrastés. L’Europe ne peut d’ailleurs plus se considérer comme le nombril de l’Église universelle. Et même à l’intérieur du continent européen, entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest, les vues sur de nombreuses questions comme celles de l’accès des femmes au diaconat, voire même au sacerdoce, ou encore l’ordination d’hommes mariés sont parfois très divergentes. Pour toutes ces questions, je suis d’avis que les « synodaux » devront bien écouter également les théologiens, les historiens, les sociologues, les anthropologues, etc.. Tous ces travaux, réflexions et discussions permettront mieux de mesurer les rapports de force sur les grands enjeux, notamment au sein de l’Église allemande, notre voisine, dont la démarche a révélé des positions opposées à celles du Vatican et à la doctrine.
10. Et après le Synode ? Comment sera l’Église catholique, notamment au Luxembourg, à l’issue du Synode sur la synodalité ?
Je me rallie au souhait et à l’objectif que notre Archevêque avait exprimés dès le début de la phase diocésaine du Synode en automne 2021 et que l’équipe synodale diocésaine avait formulés sous forme de question : « Comment rendre l’Église plus vivante en cheminant ensemble ? » Cette interrogation reste d’actualité après le Synode qui se terminera en automne 2024 non comme un point final, mais comme une ouverture vers un approfondissement et une mise en œuvre toujours grandissants de la synodalité dans notre Église. Cela devra se faire entre autres en fonction des fruits recueillis par les « synodaux » avec le Pape au terme du long Synode 2021-2024.
En ce qui concerne le Luxembourg, j’en reviens au Conseil Pastoral Diocésain (CPD) mentionné au début de cette interview. Sa mission conférée dans le contexte de la synodalité par notre archevêque se concrétise pour l’année pastorale 2023-2024 en cours ainsi : construire des ponts entre le niveau diocésain et le niveau territorial concret. Dans un premier temps, elle consiste à nouer contact avec les Conseils pastoraux paroissiaux et les autres structures, groupes actifs et communautés linguistiques existantes par une réunion dans chacun des six doyennés de notre archidiocèse. Il faudra en plus tâcher de rejoindre les autres institutions, groupes et personnes contactés par l’équipe synodale diocésaine en 2021-2022 durant la phase diocésaine, tant dans l’Église que dans la société civile. Le CPD propose comme base des discussions dans ces réunions un document de travail réalisé par ses membres à partir de la Contribution de l’Archidiocèse de Luxembourg à la consultation synodale universelle, recueillie par l’équipe synodale diocésaine en juillet 2022, en proposant quelques thèmes et des pistes concrètes à discuter dès ce mois d’octobre 2023 « sur le terrain » en commençant par les doyennés.
Le processus synodal continue donc également chez nous. Je le considère aussi, pour moi en premier, comme un processus de formation à la synodalité. Je pense que nous avons ici beaucoup à apprendre de Jésus et des premières communautés chrétiennes, comme des croyants non-catholiques, mais aussi de la société et des cultures dans lesquelles nous vivons, car l’Esprit de Dieu n’est pas confiné à l’intérieur de nos Églises, mais souffle où il veut. La Formation diocésaine notamment, j’en suis confiant, pourra apporter de ce point de vue un grand apport pour une Église de l’avenir plus vivante.
Avec la bonne volonté de tous et sous la conduite de l’Esprit Saint, continuons donc à marcher ensemble avec et dans notre Église, qui est toujours à réformer, en prenant le temps nécessaire pour discerner des décisions responsables que nous pouvons prendre à notre niveau.
Je voudrais terminer cette interview avec l’intention de prière du Pape François pour le mois missionnaire d’octobre :
Prions pour l’Église, afin qu’elle adopte l’écoute et le dialogue comme style de vie à tous les niveaux, en se laissant guider par la force de l’Esprit Saint vers les périphéries du monde.
Recueilli par : Domingos Martins
Photo : SCP/Gil Veloso
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