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Contre la discrimination des homosexuels – pour l’intérêt supérieur de l’enfant
Prise de position de l’Église catholique concernant la réforme de la loi sur le mariage
Durant le vol qui ramenait l’année passée, après les Journées mondiales de la jeunesse, le Pape François de Rio de Janeiro à Rome, une question ayant trait à l’homosexualité lui a été posée. Le pape a répondu : « Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Le catéchisme de l’Église catholique l’explique de manière très belle, mais il dit, attendez un peu comment il dit… il dit : ‘Nous ne devons pas marginaliser ces personnes pour cela, elles doivent être intégrées dans la société’ » [1].
L’histoire montre que l’Église – tout comme la société – a dû apprendre à accepter les personnes homosexuelles telles qu’elles sont ; le fait que les discussions continuent à ce sujet dans l’Église et la société, montre que ce processus n’est pas terminé. Dans la « Demande de Pardon de l’Église qui est au Luxembourg dans le cadre de l’année jubilaire 2000 », l’Église reconnaît la tension existant entre son message trop souvent moralisateur et l’attitude des hommes et femmes de notre temps face à la sexualité ; elle demande pardon à Dieu et à celles et ceux ayant souffert d’une annonce de la foi qui les opprimait. Se référant plus particulièrement aux homosexuels, le document dit : « le comportement de l’Église et de ses représentants envers les personnes homosexuelles mérite d’être considéré à part : l’Église et les chrétiens ont à cœur, aujourd’hui, de voir l’homosexualité de façon plus différenciée » [2].
Il n’est pas possible de répondre à la question concernant la reconnaissance et la place des unions homosexuelles dans la société et des droits et devoirs y liés en se référant uniquement au souci du bien individuel ; dans la recherche d’une réponse adéquate, il faut aussi tenir compte du bien commun ainsi que de la question centrale de savoir comment une personne se situe dans la suite des générations.
Il revient à l’État de tenir compte des évolutions sociales dans la législation et de faire en sorte que les droits individuels soient garantis et que le bien commun soit préservé. Le mariage joue un rôle particulier dans la vie des personnes, de la société, de l’État et, par conséquence, dans la législation. Les différentes modalités du mariage, issues de l’appropriation culturelle de la complémentarité des sexes, sont toujours le fondement de la famille, elle-même fondement de la société. Une famille ne se réduit pas à une relation entre deux personnes, voire un contrat entre elles ; elle est notamment le lieu où des enfants, qui sont aussi l’avenir d’un pays, pourront grandir. C’est pourquoi l’histoire culturelle et l’Église parlent du mariage comme institution. Il forme le noyau fondamental de la vie sociale autour duquel d’autres formes de vie peuvent voir le jour.
Il n’est pas nécessaire d’accumuler des analyses pour voir que la vie commune et plus particulièrement la vie en famille ont connu des transformations importantes durant les dernières décennies, que de nombreux couples ne réussissent pas à s’engager durablement, que des enfants grandissent dans des familles monoparentales, etc. Il s’agit d’une évolution complexe, provoquée par le jeu complexe de nombreux facteurs, notamment économiques, dont les conséquences sont en partie positives, mais aussi largement négatives en ce qui concerne la situation des individus, l’éducation des enfants et la cohésion sociale. Cette évolution constitue un défi majeur pour tous les acteurs de la vie sociale.
Les discussions concernant la réforme de la loi sur le mariage ne tiennent souvent pas assez compte de ce défi majeur. On argumente probablement de façon trop simpliste pour ou contre l’égalité des couples hétérosexuels et homosexuels. L’argumentation s’opposant à l’égalité des couples hétérosexuels et homosexuels est désignée comme homophobe sans que l’on prenne assez en compte la structure fondamentale de la société : on aimerait, « au nom d’un droit individuel, […] résoudre des cas individuels souvent dramatiques par la voie de la législation, sans réfléchir aux effets, aux changements considérables qu’ils impliquent du point de vue de la représentation de la parenté et des rapports humains dans la société » [3]. Tel est l’avis de la Commission diocésaine pour la famille dans sa « Prise de position » par rapport au projet de réforme de la loi sur le mariage.
Malgré toutes les difficultés, de nombreuses personnes continuent de croire en la force et le sens de l’amour : elles désirent être responsables l’une pour l’autre, s’engager durablement et accueillir des enfants, devenir et rester une famille. Ces personnes et leur souhait ont besoin du soutien et de la protection de l’État. Le mariage devrait donc garder sa position institutionnelle particulière comme union de vie durable, librement choisie, entre un homme et une femme, orientée vers le bien des conjoints et la procréation, représentant la structure fondamentale bio-culturelle de la vie sociale. La position et la protection juridiques du mariage devraient rester intactes, sauf le devoir de l’État de soutenir, intégrer et protéger les couples de personnes homosexuelles qui s’aiment et désirent par conséquent être responsables l’une pour l’autre durablement. C’est ce que permet la déclaration d’un partenariat devant l’officier de l’état civil (PACS).
La recherche d’une réponse à la question s’il devrait être permis à des personnes homosexuelles seules ou à des couples homosexuels d’adopter des enfants, doit être guidée par la protection du bien supérieur de l’enfant ; il n’existe pas de droit à l’enfant dans ce sens. C’est la position que retient la Commission diocésaine pour la pastorale familiale dans le document cité ci-dessus. [4]
L’Église est convaincue que les enfants devraient par principe pouvoir se développer dans la relation à leurs père et mère. Elle sait qu’il existe beaucoup de situations dans lesquelles les enfants ne peuvent pas faire l’expérience de cette relation ; elle reconnaît aussi que les personnes homosexuelles se soucient réellement du bien des enfants et ne met pas en question leurs capacités d’éduquer des enfants. Réfléchissant à tout cela, l’Église estime que l’adoption plénière devrait être réservée aux conjoints mariés et que le rapport social de l’enfant avec ses parents biologiques, père et mère, devrait être maintenu chaque fois que cela s’avère possible. En tout cas, il faut répondre aux demandes d’adoption au cas par cas en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, et ceci sur base de critères prenant en considération l’ensemble de l’environnement.
Enfin, l’Église, partageant le souci pour le bien commun de tous les acteurs sociaux et politiques, désire rencontrer chaque personne avec respect et lui faire découvrir, sur son chemin de vie, la foi dans le Dieu vivant qui porte tous les hommes et femmes dans son amour inconditionnel.
Luxembourg, le 13 juin 2014
[1] Conférence de presse du Saint-Père durant le vol du retour, 28 juillet 2013, http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2013/july/documents/papa-francesco_20130728_gmg-conferenza-stampa.html.
[2] Vergebungsbitte der Kirche in Luxemburg im Rahmen des Jubiläums 2000, Grundsatztext, 12.02.2000 / La Demande de Pardon de l’Église qui est au Luxembourg dans le cadre de l’année jubilaire 2000, Texte de base, 12.02.2000, in : Kirchlicher Anzeiger für die Erzdiözese Luxemburg 130 (2000), fasc. 3, S. 47-53 (version allemande), S. 54-59 (version française) [Doc. Nr. 27].
[3] Les enfants et le mariage homosexuel. Prise de position de la Commission diocésaine pour la pastorale familiale, No 2, http://www.cathol.lu/article2660.
[4] On peut encore renvoyer au « Deuxième avis complémentaire séparé » du Conseil d’État (http://www.conseil-etat.public.lu/fr/avis/2014/05/48_972A/index.html) soulignant que les questions concernant l’organisation et l’avenir de la société, posées par la réforme de la loi sur le mariage, sont fondamentales. Cet avis s’oppose aussi à un droit aux enfants et présente une vue bien plus différenciée de l’adoption que ne le fait le projet de réforme de la loi sur le mariage.
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